Denis PETIT-BENOPOULOS
Né à Boulogne-Sur-Mer en 1965, de mère grecque et de père français, Denis Petit-Benopoulos vit en France à Ferney-Voltaire. Marié et père de deux enfants, il travaille comme juriste spécialisé en droit international des élections.
En 1988, était paru, sous son seul patronyme paternel, un premier livre de poèmes, écrit à l’âge de dix-huit ans, avec toute la rage propre aux errances adolescentes : « J’écris de la poésie depuis des décennies. Je le fais dans un certain isolement ou dans un isolement certain mais il me semble qu’il ne peut en être autrement. J’ai commencé à écrire pour tenter d’exprimer des questionnements propres à l’adolescence, cherchant à rompre la solitude extérieure par une solitude intérieure et donc, croyais-je, apaisée. Vœu pieux. Rien, à cet âge, ne nous apaise. Dès que j’ai cessé d’avoir honte de ce que j’écrivais, dès que j’ai cru sentir monter en moi la sève poétique telle que je la découvrais chez d’autres, à travers mes lectures, je me suis mis à croire pouvoir aller vers les autres par ce biais-là. ».
Cette première publication fut suivie d’autres en revues, dont Les Hommes sans Épaules n°1 (2ème série, 1989), avant que des activités professionnelles hors d’Europe ne le détournent de l’écriture. De retour à la poésie, Denis Petit-Benopoulos donne un recueil où l’enfance et ses légendes s’entrecroisent dans un va-et-vient entre les drames nationaux de la Grèce des Colonels et les figures mythologiques des dieux. Denis Petit-Benopoulos nous dit : « Ces poèmes sont, en grande partie, inspirés de mon enfance dont tous les étés ont été Grecs et des récits que j’y ai glanés au fil de ces étés. Une voix différente des voix précédentes, celles des années de tâtonnements et d’introspection, a jailli au cours de l’année où mon père a traversé la maladie jusqu’à trouver la mort. Cette voix ne me semblait pas toujours être la mienne, je ne la reconnaissais pas, je l’écoutais verser les mots sur la page avec perplexité; elle me paraissait trop haut perchée, désuète par moments, affectée parfois. Me troublait également le recours quasi systématique au véridique et à l’imaginaire, tous deux fondus dans une même veine épique. Qu’avais-je connu, après tout, de la Grèce des Colonels ? Quel était ce personnage que je prétendais connaître, longuement évoqué comme s’il m’était familier, alors qu’il est imaginaire et pourtant je l’affirme, il existe : il suffit de le décomposer, de le prendre par ces parties pour s’apercevoir que celles-ci existent et que mises bout à bout, elles composent un personnage parfaitement authentique. Toute enfance est mythologique et ces poèmes en détaillent les plus minces pellicules, en restituent l’émulsion. Les poètes Grecs que j’ai beaucoup lus m’ont inspiré, de Séféris à Cavafy en passant par Ritsos dont je possède, grâce à mon oncle - personnage essentiel de mon enfance et bien réel, lui - un recueil dédicacé de sa main. Je dirais plutôt qu’ils ont infusé en moi et cela s’est fait sans doute sur la durée. La poésie Grecque est l’une des plus belles qui soit, ancrée qu’elle est dans un passé millénaire et dans une langue concrète et imagée – les deux n’étant pas irréconciliables ce dont elle est la démonstration -, à mille lieux de tout effet de manche et de cette affectation ou provocation facile que je trouve si souvent chez les poètes d’autres pays et surtout français. Certains poèmes d’«Aletheia » sont des ruminations autour d’un état de grâce qui demeure inaccessible. Ils s’emportent, se perdent peut-être en chemin, ouvrent et ferment des boucles. Ils ont nécessité, pour leur composition, une alchimie des plus risquées, manquant toujours de peu de verser dans le pastiche, l’affectation ou le ressassement. J’espère être demeuré sur le fil tout du long, avoir approché ici ou là un état de grâce et l’avoir fait ressentir un tant soit peu. Cela seul m’importe. »
L’Aletheia (la « vérité, en grec) de Denis Petit-Benopoulos, est le poème initiatique d’une grécité intime, personnelle, qui de mot en île, n’est pas sans rappeler les quêtes de Jacques Lacarrière, Nanos Valaoritis et, bien sûr, Séféris, Elytis ou Embirikos, sans oublier Ritsos, le poète-rocher de Monemvasia. Ici, le soleil cuit tout, en même temps qu’il ravive, les souvenirs comme les regrets ou les amours : un chemin de vie durant lequel on ne dort que d’un œil de porte en fenêtre, comme de rêve en cauchemar (la dictature des Colonels). Le soleil, pieds nus, est blessé, blessure, dans les rues jusqu’au premier gel qu’on abandonne à sa flamme qui brûle droit comme la vérité.
Christophe DAUPHIN
(Revue Les Hommes sans Epaules).
À lire : Aletheia (éd. Librairie-Galerie Racine, 2019), Interruption volontaire de jeunesse (Le Méridien Éditeur, 1988).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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